Comme
il était étrange cet endroit ! On aurait dit une nature
primitive, s’il n’y avait eu cette étrange impression de douceur
et de sérénité qui y régnait. Le Prince se dit qu’il ne pouvait
pas y avoir de bête nuisible, pas là, c’était impossible. En
plus, il avait l’impression d’être sur une île ! Ils
abandonnèrent ce ponton qui n’allait que dans le vide. Le plus
curieux c’est que maintenant, ils marchaient sur un chemin large au
bord de nulle part. Il n’y avait pas de mer, ce n’était donc pas
une île ! C’était quoi ?
- Mais où sommes-nous ? Où m'avez vous emmené ? Auroral, tu es là ?
Sa
question restant sans réponse, il se retourna. Il était seul.
Pourtant, il savait maintenant qu’elle était obligatoirement avec
lui, mais effectivement elle pouvait être invisible…
- Eh ! Mais où es-tu passée ? Ne me laisse pas, je ne sais même pas comment m'en retourner ?
Il
s’impatienta.
- Eh ! OOOOOh ! Auroral ? Réponds !
Il
examina l’endroit. Sur le côté droit : le néant ! Sur
le côté gauche une muraille très sombre, presque invisible comme
la nuit. Il s’approcha du bord. Il n’éprouvait aucune peur
devant cette profondeur noire qui semblait partir sous ses pieds.
Cela ne l’inquiétait pas. Après l’empire de Lucifer que
pouvait-il y avoir de pire ? Il se mit tout au bord et partit,
un pied devant l’autre, comme un athlète sur sa poutre. Lui,
nouveau funambule de l’espace, cela devenait une véritable
aventure ! Risque tout, il avançait tranquillement, décidé à
faire le tour de l’endroit. Le côté du vide était
mystérieusement silencieux, aucune étoile, aucune comète, nulle
planète. Poursuivant sa route, il marcha longtemps. Subitement il
commença à voir ce qui effectivement s’apparentait à un astre,
une planète d’un bleu sombre se confondant presque avec la nuit.
Il venait de trouver : il était sur le satellite de la planète
bleue ! Il n’avait donc pas fait un immense chemin. Mais
pourquoi était-il là ? Subitement le décor intérieur
changea.
- ☺-
À sa gauche était apparue une sorte de muraille végétale qui se révéla infranchissable. C’était un vrai mur, il n’avait jamais vu cela, les lianes étaient si serrées et entremêlées qu’il ne pouvait même pas les écarter ! Elles étaient dures comme de l’acier. Devant lui, le chemin semblait tourner et aller beaucoup plus loin, derrière, c’était pareil, il n’avait donc qu’à le suivre. C’était marche avant, marche arrière, aucune autre possibilité. En avant donc ! Mais il avança toujours du même pas, méfiant. Plus il avançait, plus le chemin semblait long, comme s’il ne devait arriver nulle part ! Était-il dans un endroit enchanté ? Dans son monde c’était des contes de fées ou de sorcières… Mais là ? Il commençait à se lasser, il y avait comme quelque chose de répétitif, mais il ne savait pas exactement quoi. Pour aller plus vite, il se mit à courir. Le chemin se mit à courir aussi. Il stoppa net.
Ce
devait être un chemin roulant. Sur sa terre, il se souvenait
d’escaliers de ce type, et de portions de couloir roulants dont on
lui avait parlé. Il était trop petit pour y aller. Pour vérifier
il suffisait de courir dans l’autre sens, s’il tombait c’est
que c’était bien un chemin roulant. Il se retourna et prit son
élan. Le chemin se mit à courir avec lui. Le chemin était capable
d’aller à l’endroit ou à l’envers. C’était une vraie
sorcellerie. Insupportable. Il s’arrêta et s’assit. Comme le sol
était surprenant ! Il était constellé de petites bosses
régulières. Un de ses cailloux ovoïdes ferait bien dans sa besace
avec ses pierres. Mais au fait ? Les avait-il encore ? Il
ouvrit le sac blanc. Oui, elles rutilaient au fond. Il toucha sa
poitrine. Oui, sous sa chemise il y avait bien un pendentif. Il était
rassuré. Rien ne pourrait lui arriver. Alors, pour augmenter sa
collection, il gratta le sol. Une sorte d’œuf apparut. Il le prit
dans ses mains.
« Olah !
Voleur ! »
Il
sursauta.
- Mais je ne vole pas : je regarde ! répondit-il en redéposant précautionneusement au creux du sol cette trouvaille qu'il mourrait d'envie de fourrer dans son sac.
La
voix venait de derrière lui, il se retourna. Une imposante tortue,
plus grosse que lui, était sortie de la muraille verte et
débaroulait comme un tank. Il se redressa prestement : il ne
voulait pas être écrasé par cet animal monstrueux ! Eulalie,
sa tortue personnelle sur terre, tenait dans ses deux mains, et elle,
elle se contentait d’être aimable et de manger les feuilles de
laitue qu’il lui donnait.
- Que fais-tu ici, manant ? dit alors le monstre.
– Je
ne suis pas un manant, je ….
- Arrête de te répéter ! Tout le monde le sait ! Mais tu n'as rien à faire ici, ce n'est pas ta place et en plus tu marches sur des oeufs. C'est interdit. Si tes parents l'apprennent, ils ne seront pas contents, garnement !
– Mes
parents ? Il y a longtemps que je n’en ai plus ! Tortue !
- Tortue ? Mais en plus tu es insolent !
Le
grand animal haussa la carapace.
– Ah !
Parce que tu as un nom ?
– Je
suis Frelaton des Pontes !
Le
Prince hurla de rire.
– Quel
nom, en effet !
– Mais
tu te moques ! Sais-tu que dans mon dialecte c’est un nom très
honorifique ? D’ailleurs, il explique bien que je suis celui
qui vérifie les pontes.
- Tu veux dire, dit le Prince en essuyant ses larmes de rire, que tu contrôles de vulgaires ouefs de tortue ? Dans mon pays, les oeufs d epoule sont vérifiés avec des machines !
- Il ne s'agit pas de cela, nullissime ! Je choisis les oeufs qui deviendront des tortues et ceux qui serviront de nourriyure aux comètes. Ces oeufs là doivent être exceptionnels.
– Parce
que maintenant, les étoiles se nourrissent ? Et avec des œufs
de tortue ? Non, mais je rêve ? Serais-je devenu fou ?
Tu es folle, Tortue !
– Tu
cherches les problèmes, Humain ?
– Ne
m’appelle pas « Humain » !
- Mais tu n'est que ça, c'est-à-dire pas grand chose... Quelques poussières avant de te fondre dans le grand noir...
- Arrête ! Hurla le Prince. Je t'interdis... Et puis ôte-toi de mon chemin, grosse carcasse !
- Gaaaaaaaaaarde ! Cria Frelaton.
Un
bruit vint de la muraille. Elle s’écarta, laissant passer une
mygale aussi grosse que la tortue. Ça ne plaisantait plus !
C’était une horrible bestiole aux yeux rouges dont les pattes
velues avaient l’épaisseur de ses cuisses. Il recula.
- A vos ordres ! dit la bête baveuse.
– Ce
garnement m’insulte et il marche sur nos œufs.
– Excuse-toi
immédiatement devant le Grand Frelaton, sale gamin ! Sinon, tu
seras puni.
Elle
semblait aiguiser ses mandibules qui produisaient déjà un
crissement inquiétant. Un filet blanc sortait de son abdomen strié
de rouge, et commençait à l’entourer pendant qu’elle se
déplaçait d’un pas pesant tout autour de lui. Il était quasiment
cerné. Statufié de peur. Le Prince se dit subitement qu’il avait
oublié toutes les leçons des étoiles, mais pourquoi celles-ci
l’avaient-elles abandonné ? Et surtout dans un endroit aussi
dangereux ! Elles étaient là, sans l’être, en tout cas il
ne pouvait pas faire appel à leur aide. Il prit son étui de cuir et
toucha son trésor.
- Inutile ! reprit l'araignée comme si elle connaissait ses intentions. Ici, cela ne marchera pas.
Il
se rappela : cela ne devait lui servir que sur terre ou sur la
planète bleue. Pourquoi pas là ? Quel était ce nouveau monde,
cette nouvelle épreuve ? Que devait-il apprendre qu’il ne
savait déjà ? Il se dit qu’il valait mieux faire profil bas
et mit un genou en terre.
– Pardonne-moi,
Tortue ! Je ne…
- Grand Frelaton ! coupa la mygale.
Même
si le mot « Frelaton » l’avait fait rire, maintenant il
se disait que ce nom pouvait le tuer s’il ne le prononçait pas.
Mais « grand » c’était beaucoup dire…
- Pardonne-moi, Frelaton, je ne voulais pas te blaisser... Je ne connais pas ce lieu, je suis étranger.
La
tortue et la mygale éclatèrent de rire. Le Prince, stupéfait les
regardait sans comprendre.
- Allez, ça va, monte sur mon dos. Il faut sortir du chemin de ponte.
C’était
le monde à l’envers, il s’était cru en danger et ce n’était
qu’une farce ! Comment pouvait-on le traiter ainsi ?
Comment saurait-il maintenant ce qui était dangereux et ce qui ne
l’était pas ? Et puis c’était la première fois qu’il
chevauchait une tortue géante.
L’étrange trio se dirigea vers le mur de lianes qui brusquement s’écarta. Sidéré, il découvrit une ambiance totalement différente qui reflétait sa première impression. Il se sentit chez lui et soupira d’aise.
- ☺-
Alors
qu’il descendait de sa monture, d’un seul coup il fut pris dans
un tourbillon de brume. Pendant une seconde, il vit mille étincelles.
Un malaise. Le nuage se dissipa. Cela lui fit perdre son équilibre
et il se retrouva à genoux par terre. Devant lui, il y avait deux
paires de pieds très habillés !
Il leva les yeux et resta sans
voix en s’apercevant que la mygale s’était changée en une sorte
d’amazone superbe et altière. Ce ne pouvait être qu’elle, son
intuition le lui affirmait. Une natte géante, couleur jais, prouvait
une chevelure étonnamment longue. Un corset noir et rouge
ressemblant étonnamment au ventre de l’horrible araigne, sanglait
des formes harmonieuses et sportives. Une sorte de jupe en lames de
cuir rouge foncé recouvrait partiellement de longues jambes
dissimulées par un collant noir à écailles. Elle portait une sorte
de carquois d’où dépassaient des flèches très curieuses :
on aurait dit des dards irréguliers. Des chaussures aérodynamiques
rayées de stries à ses couleurs terminaient cette curieuse tenue de
combat. L’autre paire de pieds était plutôt élégamment revêtue
de chaussures fines et légèrement duveteuses, qui lui semblaient
être en daim blond. Il suivit la ligne d’une sorte de pantalon
fuselé, presque un collant et dépassant la veste assortie,
découvrit un visage sympathique qui le regardait en riant
silencieusement. Il connaissait ce visage depuis toujours. Mais, bon
sang ! Où avait-il bien pu le rencontrer ?
- Tu ne sais plus où tu m'as rencontrée, n'est-ce pas ?
Furtivement
il revit la tortue et son air bonnasse.
– Tu
lis dans mes pensées, Grand Frelaton ?
- Ah ! Voilà que je suis "grand" maintenant ?
Ils
éclatèrent à nouveau de rire.
- Je ne comprens rien à ce qui s epasse ici ! s'écria le Prince d'un air renfrogné.
– Bon !
Ne fais pas la tête ! Il faut aussi savoir s’amuser !
– Vous
vous amusez à mes dépens !
– Tu
manques d’humour ! Allez, aujourd’hui est un jour
particulier, un jour glorieux et c’est ce qui nous rend aussi
facétieux.
– Glorieux ?
– Oui,
tu as bien entendu. Nous sommes là pour t’accompagner jusqu’à
la réalisation de ta mission.
– Encore ?
Il y a encore quelque chose à faire ?
- Tu es si fatigué que tu as tout oublié ?
- Je commence à en avoir marre... C'est toujours pareil, ça n'en finit pas !
Il
fondit en larmes. L’Homme et la femme guerrière se regardèrent.
Elle sembla acquiescer à un ordre qui n’avait pas été donné.
– Allons-y,
alors.
- Où m'emmenez-vous ?
- Tu dois te reposer. Après seulement, tu pourras faire aboutir ta mission.
Ils
contournèrent un buisson, et, ouvrant une trappe, le firent entrer
dans un souterrain. Quelques mètres plus loin, ils débouchèrent
dans un petit village dominant une vallée recouverte d’un dôme
transparent. Ils entrèrent dans une maison. Dans la salle principale
un feu crépitait de joie dans la cheminée. « Le feu te
souhaite la bienvenue », dit Frelaton. Avisant
le lit à baldaquin très confortable disposé dans l’angle de la
pièce, il dit au Prince de se reposer, ils reviendraient le chercher
lorsqu’il se réveillerait.
- Mais vous ne comprenez pas, je veux juste que tout ça s'arrête, car c'est interminable ! Je vaux savoir où je suis et ce que je fais là, et décider de ce que je vais faire maintenant.
- Tu es fatigué, tu te reposes. Tu obéis. Il en a été décidé ainsi.
– Décidé ?
Mais qui décide ainsi pour moi ! J’ai appris que l’on
décidait soi-même, personne ne peut…
- Tu vas bientôt le découvrir.
Frelaton
se détourna, puis faisant à nouveau face au Prince, le regarda de
ses yeux devenus subitement bizarres :
– Dors !
Je le veux…
L’enfant
sentit ses membres s’engourdir. Ses paupières s’alourdir. Il
vacilla dans les bras de l’Amazone qui doucement le déposa dans le
lit à quatre colonnes, et le recouvrit.
– Eh
bien ! Il n’est pas facile !
- Heureusement, ajouta l'Amazone, sinon il 'aurait jamais supporté ce qu'il a vécu sur la planète bleue. Il lui fallait avoir du caractère pour endurer cela, c'est bien le fils de ses parents, ajouta-t-elle, avec un geste tendre et caressant envers le Prince.
- Bon, ce n'est pas fini, depêchons-nous. Il faut faire venir le médecin.
- J'y vais.
Passé la porte, elle s’envola.
Frelaton passa la main sur le mur face au lit, le pan de mur s’effaça découvrant une cuisine. Il disparut quelques temps, puis revint. Il n’était pas seul. Deux femmes le suivaient portant un coffre qu’elles posèrent à leurs pieds dans le coin de la pièce. Puis elles attendirent ne perdant pas une miette du spectacle.
L’Amazone
entra accompagnée d’un homme âgé portant une mallette ventrue en
cuir fauve froissé. On aurait dit une mallette d’un autre temps.
Eryk, toujours lui, se pencha sur le lit et bien qu’il sourie, de
grosses larmes d’émotions coulaient sur son visage et
s’enfouissaient dans sa barbe.
– Ainsi,
le revoilà…comme il est beau quand il dort !
- Oui, c'est ça : quand il dort ! Il vaut mieux le préciser, car il a de la trempe, et ça se voit ! ajouta Frelaton. N'est pas le Maître du Monde Terrestre qui veut ! Nous avons assez peu de temps...
- Oui, tu as raison, mais c'est la dernière fois que vous le voyez ainsi, ne peut-on pas garder uen empreinte ? Qu'a dit la Reine ?
– On
peut effectivement faire ça.
L’Amazone
s’approcha du lit et tira sur un cordon. Le ciel du lit s’ouvrit
laissant place à une surface ressemblant à un miroir. Elle appuya
sur une plage ovale plus claire de la taille de sa main, sur la
colonne. La surface sembla s’illuminer.
- Voilà, désormais son hologramme va être enregistré ainsi que la mutation. Ainsi nous pourrons revivre cette scène autant que nous le voudrons, et même lui pourra se voir. Je vais connecter l'écran à celui de ses parents pour qu'ils voient aussi. Cela fait si longtemps qu'ils espèrent...
Elle
sortit de sa poche un écran tactile minuscule. Une seule impulsion
d’un doigt sur le côté, puis elle demanda :
- Majesté, voyez-vous le Prince ?
- Merci infiniment, Ehaloa... Excuse-nous, nous sommes extrêmement émus, dit la Reine d'uen voix étouffée.
- Alors vous pouvez commencer, Eryk, reprit l'Amazone.
- ☺-
Le
médecin s’approcha alors du Prince endormi. Par un mouvement lent
de la main placée à plat à une distance de vingt centimètres du
corps, il commença par vérifier tous les points d’énergie. Un
point bloquait au niveau du front. Par des mouvements circulaires,
juste au-dessus, il réactiva l’énergie. Puis il appuya sur le
point pour vérifier.
- Voilà, tout va bien. Je vais plonger dans un sommeil très profond pour qu'il ne sente rien.
Il
posa sa main droite sur le front du Prince et se concentra
intensément. La scène était impressionnante. Chacun se taisait,
les yeux fixés sur le Prince et le Maître des Sens. Celui-ci
se baissa et ouvrit sa mallette. Une lumière intense jaillit. Il
prit alors cinq cristaux de lumière dans ses mains comme pour les
chauffer.
- Déshabillez le Prince. Mettez-lui les bras en croix, les jambes jointes, la tête droite. Placez le drap plié sur le corps jusqu'au cou, en laissant les pieds et les mains dépasser. Merci.
Les
deux femmes s’affairèrent. Elles
firent une boule du linge sale et des accessoires que le Prince
transportait, puis prirent le drap qu’elles replièrent. Enfin,
délicatement, elles étendirent les bras de l’enfant et les mirent
en position.
- Très bien. Mais rendez-moi la gourde et la bourse que cet enfant portait et que vous avez emballé dans le linge...
Il
les plaça dans sa mallette.
Elles
placèrent la tête et les jambes. Le recouvrirent du drap plié.
Enfin se reculèrent à la hauteur de Frelaton et de l’Amazone.
Le
Maître des Sens plaça des cristaux aux extrémités des bras, des
pieds joints, de la tête…
- Maintenant, fermez les yeux, sinon vous serez aveugles, seuls la Reine et le Roi peuvent regarder, ils sont protégés par leur écran. Vous reverrez la scène ensuite sur l'hologramme. Ne prenez pas le risque d'ouvrir les yeux surtout !
Puis
saisissant un disque de Crystal taillé, il le tendit vers le ciel en
marmonnant une formule que les autres n’entendirent pas. Le crystal
devint si lumineux qu’il devenait insupportable de le regarder. Ils
fermèrent les yeux, les deux femmes ayant peur de céder à la
tentation se cachèrent la tête dans leurs tabliers noirs brodés de
blanc.
- Majesté, dit-il doucement, aidez-moi par la pensée pour cette seconde naissance... Concentrez-vous et revenez au moment de la venue au monde de votre fils !
Il
posa alors le disque de lumière sur le front du Prince.
- Prince, tu as réalisé l'impossible. Tu en as aquis tes principes d evie. Tu vas devoir désormais prouver cet accomplissement.
Il
se recula. Attendit une minute en se recueillant la tête dans les
mains. Puis d’un mouvement circulaire des bras, il ramena ses mains
à l’horizontale en direction du disque posé sur son front. Le
regard dirigé vers le ciel, d’une voix forte, il prononça l’Ordre
de Réalisation :
Prince, deviens ce que tu es !
Simultanément, un jet d’énergie se projeta de ses mains vers le Crystal. Un éclair de foudre noya la chambre de lumière, tandis qu’une douce chaleur envahissait la pièce.
- ☺-
- Vous pouvez ouvrir les yeux, maintenant.
Stupéfaites,
devant elles se trouvait endormi sous le drap désormais trop petit,
un jeune homme superbe.
- C'est-y pas possible ! s'écria une des femmes en s'évanouissant.
- Non, ranimez-la ! vite. Ce n'est pas le moment, tonna le médecin. On a très peu de temps.
L’autre
femme la gifla à tour de bras.
- Peut-être moins fort, cela devrait suffire, conseilla Frelaton. MAintenant, ce n'est pas le tout, vous devez le préparer, l'habiller ! Nous, nous raccompagnons le médecin et nous revenons.
Le
médecin ramassa les cristaux qui s’étaient ternis, les mit dans
la mallette, sur la gourde. Dès
qu’ils furent partis, la femme revint à elle.
– Dépêche-toi,
dit l’autre, tu en as des idées : s’évanouir ! Non
mais…
- Mais je n'ai pas fait exprès...
- C'est ce que tous les enfants disent ! Quand vas-tu te rendre compte que tu as grandi ? Tu vois, lui, il a grandi d'un coup, j'espère qu'il ne va pas se comporter comme un enfant...
- Tu parles du prince...
- Hum ! je devrais me taire, c'est vrai, on nous écoute...
- Ils nous voient, tu veux dire...
Elles
sortirent la trousse de toilette, les serviettes, les parfums.
Remplirent une bassine d’eau. Retirant
le drap, elles commencèrent leur travail.
- Heureusement que nous savons qu'il est vivant, sinon, je pleurerais toutes les larmes de mon corps !
- Qu'il est beau... Oh ! il est trop beau...
– Ne
t’évanouis pas pour ça ! Non mais ! Qu’est-ce qui m’a
pris de te prendre avec moi…
- Défaillir devant tant de grâce, ce n'est pas un mal, dit la jeune fille.
– Il
ne faut pas, garde-toi de tout sentiment.
– Ne
peut-on brûler d’amour sans avoir de désir ?
- Mais tu ne le connais même pas, il araît qu'il a un fichu caractère...! Et puis, tais-toi, la Reine nous regarde.
La
fille regarda le ciel de lit :
- Pardonnez-moi, Majesté. ce n'étaient pas des offenses... Mais d el'admiration, de la joie, de l'amour... du vrai...
- Tu es pardonnée, répondit alors la reine à leur grande stupéfaction, mais dépêchez-vous, il reste peu de temps, vous devez quitter la pièce dans quelques minutes, il va s'éveiller.
Elles
s’activèrent. Puis se demandèrent si elles devaient lui mettre
les chaussures, d’ailleurs n’auraient-elles pas dû le laisser
en chemise dans le lit avec les vêtements sur une chaise ?
N’est-ce pas étrange de s’éveiller tout habillé ? Que
va-t-il penser ? Un Prince prend-il une cuite ?
- Tant pis, on ne sait pas, ils ne nous ont pas dit... Laisse les chaussures sur le tapis, filons...
Puis elles vidèrent l’eau dans l’évier de la pièce voisine, rangèrent tout, refermèrent le coffre, et l’empoignant, disparurent par le couloir. La cloison se referma comme par enchantement.
- ☺-
Le Prince s’étira. Il se sentait si bien. Si reposé, si détendu, comme neuf ! Ouvrant les yeux, il constata qu’il était seul. S’asseyant au bord du lit, il remarqua ses vêtements : ils étaient neufs eux aussi. Qui avait eu l’outrecuidance de l’habiller pendant son sommeil ? Ils allaient en entendre parler ! Où était sa gourde si précieuse ? Et sa bourse de cuir blanc ? Il retrouverait tout cela, foi de Prince ! Il ne se laisserait plus faire.
Subitement, en se levant, il se vit dans la psyché qui était au bout du lit. Sidéré, il se demanda si vraiment c’était bien lui. Il regarda derrière lui : personne ! Il voyait un homme qui, bien sûr, lui ressemblait quelque part, mais en fait il ne connaissait pas vraiment ce visage, et pas non plus ces vêtements qui lui allaient comme des gants ! Un frère ? Non, il n’avait pas de grand frère ! Un cousin peut-être ? Non plus, il n’en avait pas souvenir. Un oncle ? Cela ne tenait pas la route. Qui était ce bel étranger qui lui ressemblait tant ? Il leva un bras, l’autre aussi. Curieux ! Il approcha de la glace, là pas de doute, il touchait le miroir, et ce ne pouvait être que lui, il avait souvent fait cette blague à son chat Patoune lorsqu’il n’était qu’un chaton. Lui, il n’était pas un chaton. Il entendit un rire et se retourna. Il n’y avait personne. Il connaissait ce rire, il était charmant et venait sûrement de très loin dans sa mémoire. Avait-il la berlue ? Était-il dans un rêve merveilleux ? Il se pinça. Le rire reprit. En cascade… Ce rire féminin, ce rire l’habitait, c’était merveilleux. Une immense douceur l’envahit et se mêla à une odeur très fine. Il regarda partout autour de lui et vers le plafond, puis pris d’une intuition, il alla regarder le ciel de lit. Il vit bien le miroir, il se vit dedans. Le rire reprit de plus belle, un rire qui lui faisait du bien mais aussi du mal, car il ne la voyait pas. Pourtant il avait compris, c’était « Elle ». Il y avait si longtemps qu’il désirait la retrouver. L’entendre et maintenant la sentir, car un parfum se diffusait depuis le miroir… son parfum, c’était trop ! Submergé par cette émotion ancienne, il eut le tournis et s’affala sur le lit.
La Reine décida de se maîtriser.
Il sentit une caresse sur son visage et se réveilla. Mais il n’y avait personne ! Il se sentit déçu, et se demanda s’il ne devait pas simplement la chercher. C’était ce qu’il devait faire, mais là, il ne pouvait pas donner un ordre à une cape, il n’en avait plus. Il ne pouvait plus traverser les murs. Il se sentit incapable.
Alors, il se redressa et vit les chaussures blanches. Il les prit. Était-ce bien sa pointure ? Il les enfila. Très confortable et juste à sa taille ! Mais qui donc l’avait entraîné dans pareil sortilège ? Qui lui avait volé l’adolescence ? Que s’était-il passé ? Où était le rire ?
Il se persuada qu’il avait juste franchi une porte de l’Espace Temps. En la repassant dans l’autre sens, il redeviendrait donc un enfant. Il retrouverait sa gourde, sa besace et ses pierres dans le petit sac de cuir. Quelque chose pourtant lui échappait. Il revint vers la psyché pour s’examiner. Sa peau comportait une zone légèrement ombrée. Il passa sa main. Comme son père, il avait de la barbe. Mais quelqu’un l’avait rasé de près ! Il avait des poils un peu partout, sa chemise ouverte montrait clairement le changement. Avant, il n’avait rien de tout cela. Il regarda son pantalon : son corps lui-même avait changé. L’avaient-ils lavé aussi ? C’était incroyable. Il devint furieux. Il était un homme. Il fallait comprendre. Il décida de faire le tour des murs. Rien ne bougeait. Il ne lui restait plus qu’à franchir la porte. Elle n’était pas fermée à clef.
- ☺-
Ébloui
par le soleil, il distingua bien deux personnes qui discutaient et
les reconnut.
– Frelaton ?
Est-ce bien vous ?
L’homme
s’inclina.
- Prince, quel bonheur...
– Ah ?
Vous trouvez ? Mais je ne sais plus qui je suis ? Quel est
ce sortilège ?
- Ne vous inquiétez pas, vous découvrirez la vérité... Le temps est venu.
Le
Prince se tourna vers l’Amazone.
– Pardonnez-moi,
je ne sais qui vous êtes, mais votre costume ressemble à celui
d’une certaine mygale…
Elle
mit un genou en terre en souriant.
- Ehaloa, Chef de vos Amazones, pour vous servir, Prince.
- Relevez-vous Ehaloa, je suis très flatté que vous me protégiez... Mais est-ce bien le rôle d'une femme ?
- Prince, les Amazones sont toutes des femmes. Nous sommes issues de grandes tribus bordant l'ocan Atlantique de votre Terre. Nous somems nées de la mer.
- Au fait, en quoi allez-vous me protéger ? Parce que jusqu'à présent, ne vous en déplaise, cela n'a pas été le cas ?
– Il
n’y avait nul besoin ! C’est pour cela…
– Et
donc si je suis juste dans mes déductions, je vais avoir besoin de
vous ? C’est cela ?
- Cela n'est pas impossible...
- Et bien, c'est gai ! près ce que je viens de subir, je n'en demandais pas tant !
– Rien
ne sert de s’inquiéter à l’avance, on ne vous l’a pas dit ?
- Bon, on verra. En attendant, ilvient de m'arriver une aventure mémorable, changer autant en quelques minutes, et sans la moindre fatigue, ne mérite-t-il pas quelques explications ? Car c'est vous deux qui m'avez amené ici. Vous voyez, je n'ai pas oublié.
- En réalité, Prince, coupa Frelaton, ce n'est pas le moment, il y a des urgences.
- Je dois d'abord savoir où est passée ma gourde, car si je ne puis remettre des vêtements trop petit, la gourde est, elle, extrêmement précieuse. Et puis ma bourse de cuir blanc a disparu.
- Ne vous inquiétez pas, elles sont en lieu sûr. Vous les retrouverez un peu plus tard. Personne n'y aura touché, lui répondit l'Amazone.
- Bon, il faut y aller... Je vous laisse. Prends bien de soin de lui, Ehaloa.
Il
s’éloigna.
Si
Swen avait pu le voir : il riait !
- ☺-
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