Allaient-ils s’affronter ?
Le
vieillard l’observait. Il comprit qu’il ne fallait pas le pousser dans ses
retranchements et adoucit son regard.
– Enki,
dit alors le vieillard au visage encore juvénile qui essayait de calmer le jeu,
je sais que tu satisfais aux responsabilités de ta fonction. Essaye de
comprendre que si je suis aussi furieux c’est simplement parce que tu ne
mesures pas encore assez bien le pouvoir de nuisance de notre ennemi. Cela
n’arrange pas la situation !
– Mais
Père, je contrôle seulement selon les pouvoirs que tu m’as déféré, donnes m’en
d’autres !
– Bien sur, je t’ai doté de nombreux pouvoirs et il est vrai que ce n’est pas
assez. Quelle que soit la situation j’en serai toujours le détenteur et vous n’en
serez jamais que des utilisateurs. Rappelle toi que cette puissance
est répartie entre vous, sauf deux attributs qui n’en dépendent pas, l’un des deux est maîtrisé
par ta mère. Il ne reste donc qu’un seul pouvoir à vous accorder, et ce sera à
toi ou à l’un de tes frères. Il est trop tôt pour l’accorder. J’attends de voir qui va le mériter.
– Père,
tu mets la Terre
– Oh
non ! Tu te trompes…
– Mets-moi
à l’épreuve, tu verras que je suis celui d’entre nous à qui tu dois le confier.
J’en serais digne.
– Ce
n’est pas toi qui a dû lutter contre Lui dans
l’éther. Ce n’est pas toi qui a contraint notre ennemi à se réfugier dans un
domaine aussi restreint que la part d’ombre de la planète bleue.
– Nous
attendons tous les cinq que tu donnes le signal pour l’anéantir, mais tu
sembles frileux !
– Il
ne s’agit pas de cela, voyons. Tu sais, il a encore gardé une puissance
immense… Je l’ai enfermé dans cet endroit dont il parvient à s’échapper par de
puissants subterfuges qu’aucun de nous, y compris moi, ne parvenons à déjouer. On
ne s’en aperçoit qu’après coup. Simplement parce que ce n’est pas lui qui
s’évade, il a développé pire que des tentacules…
– Si tu
parles de la situation qu’il a essaimée sur la planète Terre, je conviens qu’il
a fait fort, et qu’il y a développé son monde tentaculaire au fur et à mesure
de leurs siècles.
– Le « Réseau »…
– Mais nous pouvons encore y remédier.
– Je
sais que tu t’y efforces. Mais on voit toujours mieux le mal que le bien. Les
terriens l’ont bien compris car ils s’appuient sans cesse sur le mal et le
mettent en avant, le faisant ainsi proliférer. Oui, c’est bien ce fameux Réseau
sans nom dont il s’agit. Il a vraiment été très adroit. Très malin, comme son
nom l’indique…
– Je
sais qu’il faut déployer dix fois sa puissance pour…
– Dix
fois ? Mais non, cent fois ! Mille fois ! fit le vieil homme avec
véhémence. Tu vois, voilà ce qui m’inquiète…
– Père,
je ne le crains pas. Et puis nous détenons l’arme absolue.
– C’est
vraiment la seule chose qui me rassure, mais son emploi est compliqué et tu le
sais car tu n’en connais qu’une partie, sinon le problème serait déjà réglé. Tu
vois comme je te connais bien.
Enki
prit l’air sombre. L’idée que son père ne voulait pas lui donner ce pouvoir
supplémentaire commençait à l’envahir comme une gangrène. Mais le patriarche
poursuivait :
– Tu
n’as pas, toi-même, tout expérimenté…
– Je ne
vois pas ce qui me manque, coupa-t-il ulcéré.
– C’est
bien cela le problème. Ne te fâche pas. Il te manque ce que le Maître des
Abîmes ne possède pas lui-même. C’est d’ailleurs notre seul espoir. Vous êtes
quelque part à égalité, mais il arrive à te tromper !
– Je ne
vois pas de quoi tu parles. Mais je crois que je suis capable de l’anéantir si
l’occasion se présente…
– Je te
trouve bien présomptueux.
– Tu sais, je ne le crains pas.
– Je ne
te dis pas qu’il faut le craindre, ce serait incroyable ! Mais il faut bien
estimer son potentiel de nuisance. C’est un avantage, et surtout ce n’est pas
une marque de reconnaissance pour lui : c’est simplement mesurer les
forces que nous devons déployer pour l’abattre...
–
Comment veux-tu que je mesure ses faiblesses, si justement tu ne m’expliques
pas ce qui lui manque ?
– Parce
que cela ne s’explique pas, cela se vit. Et ceux à qui on l’explique n’y
croient absolument pas. Il y a des terriens qui parviennent exceptionnellement à
le vivre et justement pour eux tout est bouleversé. Ils acquièrent une sérénité
et un pouvoir que les autres n’ont pas. C’est là le mystère : on l’éprouve.
C’est le pouvoir ultime.
– Mais
alors, mets-moi dans la situation de le vivre ! Quelles qu’en soient les
difficultés je les accepte, je m’y soumettrais, mais tu verras que j’en
viendrai à bout.
– Oh, ça
ne marche pas comme ça, mon fils, ce n’est pas une bataille ni une
guerre ! Cela ne peut venir que de toi. Et pour l’instant tu n’es pas
prêt, seule ta mère saura me dire si le temps est venu.
– Ma mère ? Que vient faire ma mère là-dedans ? Je vais aller le lui
demander de ce pas.
– Inutile ! Cela la fera sourire… Tu es un grand naïf ! fit-il en
riant.
Enki le regarda, furieux. On se jouait de lui. Pas n’importe qui ! Son père et sa mère.
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