– D’après nos informations il va y
avoir un soulèvement général et le point de friction préalable est là, dit Enky
en désignant une intersection de la capitale française sur la carte apparue à
l’écran mural. Pourquoi ici ? D’après ce que je sais, il y a de nombreuses
possibilités de fuites ou d’arrivées inattendues par des couloirs qui
traversent les pâtés de maisons, il y a aussi des entrées de catacombes qui
donnent directement dans leurs caves. Leur idée, c’est de mettre une pagaille
noire à plusieurs endroits de Paris où ils se sont organisés en émergeant comme de nulle part, et bien que la
police connaisse ces endroits, ils ne peuvent tout contrôler. Donc, la
manifestation a un parcours autorisé que l’armée et la police vont encadrer,
mais les manifestants vont s’en servir comme d’un leurre. En fait ça va se
passer là où on ne les attendra pas.
– Le
but final ? demanda Ninky.
– Désarçonner
le gouvernement en occupant la Chambre des Députés, puis
– Tu
crois que ça va marcher ?
– Je ne
sais pas, je n’ai pas été voir jusque là. Mu nous demande de réaliser ce que
nous avons décidé. Elle aidera. Il est évident que c’est la porte ouverte au bienfaiteur russe qui serait ravi de venir en aide si ces manifestations
débouchaient quelques temps après sur une révolution
à la française. Mais évidemment les manifestants de tout poil ne peuvent
faire cette analyse qui semble ahurissante !
– Ne me dis pas que l’Etat va se laisser faire ? Interrogea Ankus. Je ne
le croirais pas. Ils vont foncer dans le tas, et certainement la ville sera
encerclée pour pouvoir arriver n’importe où très vite. Moi, c’est ce que
j’aurais fait.
– C’est
évident ! Mais l’idée est dans l’extrême mobilité et leurs façons de
communiquer, bien que là encore la police ait trouvé le moyen de capter les
messages. En soi, le projet n’est pas mauvais.
– Néanmoins,
fit alors Ninky, si vous ne faites pas plus de diversion, il y aura du grabuge,
il faut mobiliser les forces armées par l’émergence d’un évènement brutal et
invraisemblable…
– Mais
qu’entends-tu par là ? demanda Ankus.
– Je
propose de faire ressurgir et déborder les marais qui sont ensablés et comblés
sous la capitale. Comme cette eau ne viendra pas d’une crue de la Seine, cela
– Donc,
si je comprends bien, fit Enki, cela va nous permettre d’intervenir et nous
pourrons brouiller toutes les communications sans que la police ou l’armée
puisse y remédier.
– Ah !
Ça va être une belle pagaille ! s’écria Ankus.
– Nous ?
Qui nous ? Tu voudrais qu’on s’y mette tous ? demanda Erkym, surpris.
Ce n’était pas convenu au départ…
– Ce
sera plus rapide, plus efficace. Comme il va y avoir quelques morts, on pourra
les faire revivre en s’en emparant, momentanément. Et puis, cela donnera
l’occasion à Neky de nous soigner…
Ils
éclatèrent de rire. Sauf Erkym, qui s’enfonça dans un mutisme de mauvais aloi.
– L’idée, poursuivit-il, c’est de ne pas faire « mourir »
n’importe qui, sinon ça ne servirait à rien… Il faut des personnalités
susceptibles de jouer un rôle important et que l’on puisse laisser en état de
guérison, des « miraculés » qui se retrouveront, sans bien comprendre,
complètement acquis à notre cause et capables de la faire aboutir. Bien sûr,
ils diront certainement que Dieu leur a fait un signe ou n’importe quoi
d’autre, mais ce n’est pas important. Ce qui compte c’est le résultat.
– Tu vas faire ta recherche dans la grande bibliothèque, je suppose, dit alors
Neky.
– Oh,
nous allons la faire ensemble. Il faut que tu sois d’accord sur les vies que
nous allons choisir.
Il
regarda ses frères : ils avaient l’air réjouis d’une bande de gamins à qui
on promet une journée à Disneyland. Là, les attractions allaient être de choix.
– Bien entendu, nous allons effectuer ce repérage, ensuite, nous allons
convoquer les étoiles de ces personnalités et nous leur ferons comprendre la
manœuvre, car plus tard, il nous faudra leur appui pour redresser la situation.
On ne fait pas ce genre d’occupation sans risques pour eux, il faudra empêcher
qu’ils terminent derrière une camisole chimique.
Ils se
seront faits de très grands ennemis…
– Eh !
Mais voyons, puisqu’ils vont me suivre et qu’ils nous auront aidés, je leur
rendrai la pareille, ils ne risqueront rien ! s’exclama Neky.
– Il
vaut mieux prévoir. Bon, en ce qui concerne le Plan : dès que nos étoiles
auront compris leur rôle, nous nous préparerons à partir. Au départ nous serons
invisibles ce qui nous permettra de cerner la situation dans sa réalité et de
voir où se cache le Réseau et comment il agit. Il faut mesurer l’ennemi pour
envisager la parade. Puis nous mettrons à exécution notre prise de possession
corporelle, sauf Neky qui aura son incarnation normale telle qu’il l’a ici. Il
fronça les sourcils en regardant son frère… Ah oui, sauf les vêtements, on va
te mettre des fripes.
Neky eut
l’air troublé, il fronça les sourcils : comment ? Lui, le Maître de La Conscience, en fripes ?
– Et aussi les cheveux… On va te les raser ? Non ? demanda ingénument
le rouquin à la tignasse volumineuse.
Le futur
monarque ne riait plus du tout, mais son air dépité avait déclenché l’hilarité
générale.
Enky lui tapa dans le dos.
– Petit
frère, sourit, la gloire approche, tu retrouveras tes superbes fringues et
ta belle tignasse blonde ! lui fit son aîné avec malice. Puis il ajouta en
plissant les yeux : ne te plains pas, tu seras toujours aussi beau… Un peu
moins propre peut-être, car au fond, tu restes toi, tu ne prends pas le corps
d’un autre !
– Encore heureux ! fit Neky, désenchanté.
– Et
ensuite ? demanda Ninky.
– L’idée
c’est que nous manœuvrions pour qu’il devienne célèbre instantanément dans
toute l’Europe, donc il faut que l’un de nous, ou même deux, s’incarnent
momentanément pour aider. Mon idée serait d’occuper le corps d’un député
Européen, à condition de vérifier d’abord quel réseau il a.
– Et
si tu déjouais les plans de notre ennemi, en prenant l’un d’entre eux et en le
transformant ? questionna Nynki, en se disant que ce serait un avantage
certain.
– Cela paraîtrait tout de suite très louche. Déjà ce que nous allons faire
va l’alerter, répondit Neky.
– Parce que tu crois qu’il ne va pas le sentir instantanément ?
interrogea Ankus.
– Peut-être, trancha Enki, mais pas obligatoirement, il est trop occupé et son
réseau ne le remplace pas. Ceux qui le forment n’ont pas autant de pouvoir, ils
ne doivent pas non plus être dotés d’une intuition puissante, je suppose qu’ils
utilisent plutôt les méthodes d’espionnage, en vogue sur terre.
– Je
serais toi, je me méfierais quand même, fit alors Nynki, ils sont capables de
tout ! Ils utilisent bien mes dauphins comme des armes !
– Tu
as raison, mais on fera tout ce que l’on peut pour masquer la vérité… Donc, on
va quand même tabler sur le fait que nous aurons une bonne longueur d’avance.
– Un
journaliste TV ? Ce ne serait pas une bonne idée ?
– Excellent, Ankus…
– Un avocat déjà engagé en politique ? interrogea Nynki qui s’y
voyait déjà, et qui se disait qu’il aurait une certaine allure.
– Pourquoi pas… Mais peut-être vaut-il mieux quelqu’un de vraiment
populaire, un homme engagé dans la lutte depuis longtemps mais qui aurait une
véritable audience…
– Nous ne sommes pas mauvais quand nous raisonnons comme les hommes de ce
siècle ! Vous ne trouvez pas ? fit Neky, l’air satisfait.
Erkym,
l’air sombre et dubitatif les observait sans mot dire.
Cette
nuit là, il se passa des préparatifs bien étranges dans la grande salle voûtée
dont l’entrée était gardée par des hommes en armes.
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