L’OBSTINATION DE NEKY

Les cinq frères étaient rassemblés en conseil dans la salle du Plan. Ils s’étaient répartis autour d’une surface très lisse, brillante et transparente, posée sur des pieds en forme de dauphins dont la queue soutenait une épaisse dalle qui semblait être de cristal. Profondément enfoncés dans des sièges confortables aux formes de coquilles, ils étaient absorbés dans leurs pensées. Erkym, l’homme au teint d’ébène, avait l’air inquiet. Ankus le roux semblait perplexe. Nynki se disait qu’il ne pourrait les aider car il ne savait que répondre à la question qui avait été posée. Enky et Neky regardaient leurs frères, stupéfaits. Ils avaient espéré plus d’enthousiasme.

D’ordinaire, lorsqu’ils allaient régler un problème quelque part dans l’univers, ils partaient avec une joie extrême et savaient déchaîner tous les éléments en leur pouvoir pour faire revenir les récalcitrants à la raison. En fait : c’était vraiment très amusant !

– Mais enfin, avez-vous bien compris que nous devons anéantir ou transformer ce réseau diabolique qu’il tisse depuis la nuit des temps ? demanda Enky.

– Tu ne crois pas qu’il a un peu d’avance ? demanda Ankus en levant un gros sourcil roux en bataille. On a mis en place une stratégie qui ne porte pas ses fruits…

– Voyons, vous savez bien qu’il n’y a pas de temps, il nous faut juste trouver la faille !

– Tu parles d’une faille ! Un abîme, comme le justifie son nom… s’insurgea Nynki.

– Mais enfin, avec nos pouvoirs unis, nous pouvons tout ! coupa Neky.

– Enki, tu ne dis pas tout… dit Erkym en le regardant soupçonneux.

– Bon, c’est vrai… nous ne pouvons pas tout, selon notre Père. Mais il parle d’un pouvoir que nous devons mériter et qui nous donnerait une puissance inégalée : la sienne !

Ankus le regarda par en-dessous.

– Mais alors, tu le lui as demandé ?

– Evidemment !

– Alors ? s’écrièrent les autres en chœur.

– Rien à faire… il m’a dit que ce pouvoir on ne peut pas en parler, on peut juste le vivre et par cela même l’acquérir, mais le pire, c’est que seule Mu-Nynka, notre mère, peut savoir si nous sommes prêts à vivre cette initiation.

– Et donc ? firent-ils suspendus à ses lèvres.

– Je ne suis pas prêt, affirma-t-il l’air sombre.

Quatre éclats de rire fusèrent. Il poursuivit l’air vengeur :

– Mais vous non plus ! Alors ne faites pas les malins. Et en plus, elle a dit que c’était la vraie nature de l’homme. Maintenant rira bien qui rira le dernier : qui a une explication ?

Ils se regardèrent interloqués.

– La vraie nature de l’homme ? Au sens premier ou au sens large ? demanda Nynki.

– Tu la connais, c’est sûrement du 3° degré. Mais je ne vois pas ce dont il s’agit…

 

- ê☺ê-

 

Nynka qui observait la scène depuis son écran de vie dans le Palais de Nacre, riait.

Ah ! Ils avaient l’air doués !

 

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– Bien ce n’est pas le tout, Neky et moi, nous avons un plan.

– Mais avant tout, assura son frère, je voudrais que l’on regarde l’état de avant de se prononcer et que nous vous expliquions ce que nous avons envisagé.

Ensemble ils posèrent la main gauche sur la surface de la table qui s’illumina.

La Terre apparut. Elle devenait de plus en plus grande.

– Novembre 2009 ! dit alors Enki.

– En Europe ! ordonna Neky.

Ils virent la boule bleue se réorienter. Puis la vision s’élargit de plus en plus. Ils aperçurent en approchant une sorte de pique en métal avec quatre pieds et plus ils approchaient plus ils voyaient des gens partout sur cette chose, même sur les croisillons ! On aurait dit des fourmis. Et autour, tout était noir de monde. Une vraie marée noire…

– Je vous présente la tour Eiffel, fit Enki d’un ton indifférent. Nous sommes donc à Paris.

Les images parcouraient la capitale. Partout la même ambiance. Les rues de Paris étaient emplies d’une foule portant des banderoles, des protestataires qui balançaient des projectiles partout : tout y passait, les magasins, les passants, et surtout l’armée qui, en ordre serré, essayait de contenir le mouvement.

– Ma parole, c’est la révolution ? Tu es certain que c’est là que tu veux poser tes pénates ? demanda Ankus.

– Mais c’est quoi votre idée ? Débarquer dans un désordre pareil, ce n’est pas évident ! ajouta Erkym. Tu vas apparaître comme ça ? Comme l’enfant qui vient de naître ?

Il souriait à cette idée stupide. Il fallait bien les provoquer un peu.

– C’est vrai que les fêtes de Noël se situaient juste à quelques jours. Est-ce que ça va les calmer ? Maudits français ! remarqua le rouquin.

– Ce mouvement va enflammer l’Europe, comme d’habitude. Enky va provoquer un événement à la faveur duquel je vais intervenir. Cela me donnera la popularité et les appuis qui me seront nécessaires.

– Alors il faut vérifier, dit Nynki qui appuya sa main sur la surface animée.

Les images se mirent à défiler à grande vitesse. Puis elles s’arrêtèrent sur le mois de mars 2010.

Juste à ce moment là, l’image s’interrompit et Nynka apparut sur l’écran.
– Mesurez-vous ce que vous faites ? Lucifer ne pourra pas s’emparer de La Conscience car votre père y veillera, mais tu seras à sa merci, Neky ! On dirait que vous oubliez ce détail. Toute incarnation comporte la part d’ombre qu’Il induit. Cela fait longtemps qu’Il a pris le pouvoir d’injecter cela en chaque être incarné, plus ou moins, évidemment. Avez-vous imaginé qu’Il puisse s’emparer de votre frère ? Il lui suffit au moment exact de l’incarnation de prendre le pouvoir ! Que lui fera-t-il subir ?

– Nous y veillerons, nous placerons des écrans d’énergie qu’Il ne saura pas franchir, répartit Enky avec assurance.

– Et par la suite ? Vous ne pourrez pas le protéger totalement. Jamais Il ne vous laissera faire. N’oubliez pas que Neky va abandonner tous ses pouvoirs par cette incarnation, sauf un, celui de guérir… Il sera donc en grand danger !

L’image s’effaça.

– Eh bien, dit l’aîné, nous pouvons maintenant travailler tranquillement. Je suppose qu’elle va mettre en place des dispositions pour nous aider.

– C’est évident, elle est trop inquiète, fit Neky, c’est pour cela que je suis tout à fait tranquille sur le sujet.

– Il faut nous y mettre, maintenant. Voyons cela.

 

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