Les deux
frères se tournèrent vers ceux qui restaient, ils avaient l’air un peu ahuris,
voire hébétés.
Enki
stupéfait de leur manque de résistance, leur dit alors :
– Nous
allons passer à la phase suivante, vous ne pouvez pas venir. Allez vous
reposer. Rendez-vous au débarcadère lorsque le clair de Terre aura lieu. Nous
vous ferons partir tous les trois lorsque les planètes s’aligneront.
Ankus et
Nynki, éprouvés, sortirent. Dans le couloir ils se demandèrent si c’était
opportun d’aller revoir leur frère au Palais de Nacre. Puis, ayant peur de la
réaction de Nynka et la sachant entre de bonnes mains avec Kyré, ils se
ravisèrent et partirent à l’opposé dans le patio du Palais principal, pour se
reposer à l’ombre de l’arbre des Voyageurs.
- ☺-
Les deux
Maîtres restés seuls se regardèrent et firent ensemble un signe de la tête.
C’était le moment. Il était temps : le seul moment agréable. Agréable même
s’il y avait un danger qu’ils n’ignoraient pas. Ils s’écartèrent de l’étoile de
dix pieds et ensemble sur la même dalle, frappèrent la pierre d’un coup de
talon. La dalle voisine s’effaça. Un escalier qui s’enfonçait dans le sol
apparut. Ils descendirent et arrivèrent dans un sas où, après s’être mis nus,
et s’être passés sous une douche auto asséchante, ils revêtirent des
combinaisons intégrales qui collaient immédiatement à la peau. Tels des
extra-terrestres, effaçant un mur, ils arrivèrent dans une salle étrange, très
blanche, aux parois translucides. Au centre, descendait du plafond une
importante éprouvette remplie d’un liquide épais, rouge sang, moiré de blanc et
de brun.
Le plus
grand ouvrit un pan de mur faisant apparaître des machines bizarres. Il attrapa
une sorte de longue tige au bout de laquelle il y avait comme une petite
coupelle.
Le plus
trapu, d’un geste amical, invita la grosse éprouvette à descendre à leur
niveau.
Le plus
mince préleva un peu de liquide et passa à côté. La matière fut placée dans un
analyseur-décodeur. Les cellules différentes, une fois identifiées, furent
isolées dans de minuscules réceptacles transparents de la forme d’un iris de
l’œil. Chacun fut posé sur un endroit apparemment spécifique, comme des
encoches demi sphériques le long d’un énorme parallélépipède rectangle, blanc,
posé sur le petit côté. Tout était calculé, méthodique, très précis. Comme lui.
– Tu en
as au moins une ? demanda l’homme aux yeux noirs cachés par des lunettes aussi
souples que la peau dont il était recouvert et qui venait de le rejoindre. Ou
bien on recommence ?
– Non,
ça va. J’en ai même une de chaque.
–
Merveilleux ! On y va.
La
grande éprouvette fut apportée par une sorte de rail silencieux et s’enfonça
dans la grosse machine parallélépipédique, comme dans un morceau de beurre mou.
Puis elle ressortit vide.
Ils se
regardèrent satisfaits. « C’est bon ».
Simultanément ils imprimèrent chacun une main sur un côté. Le plus grand la
main gauche, le plus petit, la droite. La machine émis un léger vrombissement.
Puis elle s’arrêta. Chacun poussa une série de cupules vers l’intérieur. La
machine repartit. Lorsqu’elle s’arrêta vraiment, ils attendirent patiemment.
Puis soudain, toujours étonnés par le phénomène, ils se levèrent, le volume
devenait translucide et une vague forme humaine apparaissait.
– Ne
traînons pas, les écrans d’énergie, vite ! fit l’homme au regard clair que
l’on apercevait malgré ses verres étranges.
Chacun
d’un côté, ils firent jaillir une boule d’énergie des étoiles d’or marquées au
sol. Puis par un jeu savant d’échanges, ils les firent courir sans arrêt sur
les différentes faces de la machine dont les parois devenaient peu à peu comme
du verre. On voyait maintenant un homme, un vrai. Il semblait respirer. Alors
ils prirent les boules et les posèrent au sommet où ils les virent s’enfoncer.
Il y eut comme un éclair d’orage.
L’homme à
l’intérieur s’anima de gestes désordonnés.
Les deux
frères d’un geste commun effacèrent une paroi. Neki était là. Dans sa version
humaine.
Ils le
prirent chacun par un bras et l’emmenèrent dans une salle d’examen où couché
sur une table, le plus grand vérifia ses fonctionnalités.
– Ce
corps marche parfaitement, dit-il en relevant la tête, la voix joyeuse.
Qu’est-ce que c’est agréable de recréer… Surtout après ce que nous avons
vécu !
– Et
lui ? Tu crois que ça a été drôle ? Pour rien au monde je n’aurais
voulu y passer.
– Moi,
non plus, dit le grand. Mais il ne savait pas, c’est pour ça qu’il y est allé.
– Pervers !
– Nous
sommes des pervers, tu veux dire ?
– Si tu
veux…
– C’est
égal, après on ne s’en rappelle plus…
– Tu
parles d’une consolation ! Je suis certain que tu ne pourras plus
faire le même coup à Ankus ou Nynki !
L’autre
eut un rire sonore…
Puis il
dit soudain : concentre-toi, tu vas les voir endormis dans le patio :
ils font d’horribles cauchemars… Mais quelle idée de dormir après ça !
J’avais juste dit « se reposer »…
- ☺-
La
Terre, quelques
temps plus tard, au débarcadère,
–
Regarde, fit Ankus… dire qu’Il est
enfermé là, dans le Monde Sombre sur la face cachée…
– Est-ce
qu’on va pouvoir l’éliminer ? Il le faudrait, fit Nynki.
Soudain
ils se retournèrent.
Les deux
Maîtres des Âmes arrivaient encadrant une longue nacelle qui flottait dans
l’air à hauteur de leurs mains, en avançant avec eux. Les deux frères se
précipitèrent.
Il était
là ! Entier ! Endormi…Vêtu de nippes et la tête rasée. Mais c’était
bien lui.
Ils
rirent, follement heureux de la surprise. Quand il allait se voir, il se
reconnaîtrait quand même, mais il allait en faire une tête ! Lui, le plus
beau de tous… Ils se regardèrent et rirent de plus belles, enfin détendus.
Les deux
frères poussèrent le réceptacle perpendiculairement au bord du ponton de
l’espace.
–
Reprenez-vous, c’est le moment ! fit Erkym.
Tous se
tournèrent vers l’espace. Il semblait à présent fantastiquement éclairé par des
planètes positionnées en haie d’honneur.
Enki
s’enveloppa du manteau noir de la nuit :
– Je
vous accompagne cette fois. Allez.
Erkym fit un geste et enveloppa le groupe de poussière d’or, puis d’un vaste mouvement créa l’énergie du départ. Ils glissèrent dans l’univers en direction de la Terre.
- ☺-
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