Dans le
jardin des Espérances, au cœur du grand parc du Palais de Nacre, Kyré et Nynka
assis l’un en face de l’autre, les mains dans les mains, semblaient comme en
apesanteur. Les yeux fermés, ils semblaient méditer…
Kyré
leva les yeux, l’air peiné.
– Bien
entendu je savais, mais je trouve que tu ne dois pas le vivre aussi mal. Ils
vont faire tout ce qui est en leur pouvoir pour le protéger. Ils sont
redoutablement puissants, voyons, tu le sais !
–
Vraiment, ce démon a des plans tellement retors, tellement fins, que comme ça,
maintenant, nous ne savons pas du tout ce qu’il va encore pouvoir inventer…
– Quelle
serait la meilleure façon selon toi, de l’en sortir ?
– Il
faut donner à Neky, ce pouvoir dont nous
avons parlé à Enki.
– Mais ?
Il va y avoir des jaloux !
– Non, ils ne s’en rendront pas compte.
– Ah ? Tu crois ?
– J’en suis persuadée.
– Ah les
femmes ! s’exclama-t-il en riant. Tu vas faire ça tout de suite ?
– Tu sais que ce
n’est pas possible, puisque cela dépend de lui.
– Pas
seulement de lui….
– Très
juste. Nous n’avons pas encore décidé de qui.
–
Acceptes-tu de lui en donner l’occasion ici ?
– Ici ?
– Non,
en fait, je suis certain qu’ils vont le faire partir sans attendre. Sur Terre,
ce serait mieux.
– Sur
Terre ? Voyons, ce n’est pas la même chose… Il ne pourra obtenir le don
dans toute son ampleur, il n’en aura qu’une partie.
– Oh, on
peut arranger cela. « Tu » peux arranger cela. N’est-ce pas ma
douce ?
– C’est
très délicat. Etant donné que son frère va lui faire subir une dissociation, c’est
très compliqué, voire risqué… Je préférerais…
Elle eut
subitement l’air songeur. Puis en levant les yeux, le visage subitement
éclairé :
– Pourquoi
ne pas leur dire la vérité ?
– Pour
les voir se battre ? Non, jamais ça.
– Ma parole, tu n’as pas confiance en eux !
– Même
s’ils sont nos enfants et en même temps des entités de pouvoir, cela ne les
empêche pas d’être hommes, rappelle-toi, nous l’avions voulu ainsi. Or
qu’est-ce qui caractérise l’homme sur terre ? Il est le seul à faire la
guerre sans raison vitale.
– J'avais oublié cet aspect des choses… évidemment, fit-elle, affectée, n’ayant pas vu ses fils
sous cet angle.
– Alors comment verrais-tu les choses ?
« Un
ange passa » comme on le dit sur Terre.
Nynka
l’air absorbé, même préoccupé, réfléchissait. Puis sa décision prise, elle
s’expliqua :
– Il y a deux étoiles jumelles dans la Constellation d'Orion,
– Tu veux dire que l’une d’elle va te servir de leurre ?
– Exactement. Comme ça, tout sera possible.
– Tu
acceptes de sacrifier une étoile majeure…
– Je
n’ai pas trouvé d’autre moyen, mais si tu as une meilleure idée ? A moins
que nous ne parvenions à la protéger d’une façon ou une autre…
– On devrait y arriver sans problème.
– Le
risque est trop grand, lors de la fusion, de le voir s’emparer complètement de
notre fils ; il vaut mieux, effectivement, que nous parvenions à le
tromper. Le temps que son réseau soit au courant, ce sera terminé. Heureusement
que le Maître des Abîmes est bien enfermé dans son enclos et qu’il ne peut être
là en personne ! Tu imagines ?
– Non,
je ne veux surtout pas y penser…
– Rends-toi compte que sans ce stratagème, lors de la fusion, il lui serait
aisé de pratiquer une captation…
– Pas
ça, non, je sais bien…
– En fait, tu le
sais, il attend ce moment, posséder un humain entier… Malgré ce que tu as fait,
il parviendrait à s’incarner.
– Oh, il a déjà failli réussir plusieurs fois. Mais là, tu imagines, l’aubaine,
mon propre fils, celui qui détient La Conscience, l'Harmonie des Mondes...
– Et dire que dans ton immense bonté, à l’origine des Temps, le considérant
comme ton fils, plus même peut-être… Il
a cherché à prendre ta place : maître de l’Univers !
– Tu as
bien vu ce qu’il lui est arrivé…
– Mais à
l’époque tu ne pensais pas avoir de fils !
– Tu sais combien ta présence et celle de nos fils est désormais essentielle
pour moi.
– Justement puisque tu abordes ce sujet, ne crois tu pas que la fusion pourrait
avoir des résultats ?
–
Résultats ?
– Eh
bien… Ne pourrions-nous pas avoir un petit prince ?
–
Nous ? Encore un ? Mais maintenant que toutes les races sont
représentées, je ne vois pas…
– Ah, tu
le fais exprès ! C’est comme ça quand tu me taquines…
L’homme
aux cheveux blanc neige sourit, ému à ces souvenirs extraordinaires. Puis il
redevint très sérieux :
– Ce
n’est pas une bonne chose. Il ne faut pas que cela arrive. Tu dois y veiller.
–
Voyons, si nous voulons que l’événement soit authentique, que le pouvoir soit
transmis tu dois accepter…
– C’est
extrêmement risqué. Je refuse. Et bien, que veux tu ? Il n’aura pas ce
pouvoir, on l’emmènera aux frontières, juste aux frontières… Juste pour qu’il y
goûte. Un avant goût de paradis, selon la formule consacrée ! Ainsi, il sera définitivement fidèle à son
amante dans l’espoir de vivre plus intensément ce dont il n’aura eu qu’un
aperçu.
– Comme c’est cruel ! C’est ainsi que l’on engendre les plus grandes
frustrations…
– Voyons, mon aimée, nous ne pouvons faire autrement. Après tout c’est eux qui
ont décidé de cette situation, pas nous. Tant pis, il verra ce que cela fait,
ils l’auront cherché.
– C’est bien nous qui leur avons donné cette double caractéristique qui les
fait agir parfois comme des hommes ?
– Bien sur, mais ils ont à chaque fois le choix. Ils pourraient agir seulement
avec leur énergie positive, elle est plus forte qu’une batterie de foudres.
Mais ça les amuse quelque part…et c’est si facile pour eux !
– Tu es
très exigeant, inflexible...
– Pour cela oui : ils vont mettre l’univers en péril. Alors,
arrange-toi comme tu le peux : qu’il n’y ait pas de naissance. En
revanche dès que l’on pourra les faire revenir, on lui accordera tout cela.
Nynka le
regarda. Il était simplement en train de déjouer les plans de ses fils. Ou
alors, il ne voulait pas donner le pouvoir suprême.
Elle
l’embrassa doucement et rentra au Palais où elle ouvrit fébrilement son écran
de vie.
Ses
fils, debout autour du Plan essayaient de voir 2010. Il ne le fallait pas. Ils
allaient découvrir leurs projets à Kyré et à elle. Elle se concentra pour
brouiller leur image et les ondes et vit subitement la surprise de son fils…
- ☺-
Enky,
les sourcils froncés réfléchissait devant l’écran vacillant et illisible. Puis
ce fut le noir…
– Comment
était-ce possible ?
Ce disant il tendit la main vers la plaque lisse. Ses frères l’imitèrent, l’air
étonné. Elle se ralluma en novembre 2009.
– Tiens ? Mais ce n’est pas ce que nous avions demandé !
Surpris, l’homme au regard aigu remit sa main bien à plat sur la surface
luisante et illuminée en ordonnant « février-mars 2010 ». La
luminosité papillota, comme si elle hésitait et se remit exactement comme
auparavant.
Les
quatre frères se penchèrent intrigués. C’était bien la première fois que cela
ne marchait pas.
Puis il
entendit clairement en lui, la voix de Nynka « ne va pas voir plus loin maintenant, dépêche-toi pendant que ton père
est décidé, je vais vous faciliter les choses ». Il retira sa main.
–
Laissez, c’est notre mère. Elle dit qu’il faut faire vite, père est d’accord,
elle peut nous aider.
Ils
s’écartèrent du plan qui s’éteignit. Mais Enki se méfiait.
– Allons
dans la salle souterraine, personne ne doit nous entendre ni nous percevoir,
continua-t-il en se dirigeant vers la porte.
- ☺-
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