– Nous
sommes bien d’accord ? Je reste extérieur, tout comme Erkym. Ninky et
Ankus vont très momentanément avec toi pour favoriser ton insertion et ta
réussite au plus haut niveau. Vous pourrez nous joindre la nuit, s’il y a un
problème. Dès que tu seras installé là où tu dois être, Ankus et Nynki
reviendront ici.
Les
frères acquiescèrent.
Puis ils
virent les deux passeurs d’âmes aller dans une autre salle.
- ☺-
Lorsqu’ils
revinrent, Enki était vêtu d’un costume noir très proche du corps, très strict,
lui donnant un air redoutable, seule une hache d’or importante étincelait à sa
ceinture. Erkym était vêtu du même habit mais en moire blanche avec des
cuissardes gris clair en nubuck souple, et au bout d’un baudrier de cuir blanc
pendait un imposant cimeterre d’argent dont la lame prête à servir était
damasquinée d’or. Ils étaient impressionnants de sévérité.
L’ambiance
venait brutalement de changer.
– Bien.
Erkym, nous allons procéder à la dissociation, fit Enki.
Le frère
à la peau d’ébène avait le visage fermé.
Il
s’écoula un moment qui sembla très long. Puis il leva les yeux vers Neky :
– Veux-tu
nous donner ton accord définitif et en connaissance de cause ? Mets-toi
sur l’étoile pour nous répondre.
Au sol,
sur les grandes dalles de pierre, une étoile d’or de moins de deux mètres
semblait avoir été tracée depuis la construction de la salle. Au centre, il y
avait un trou. Chaque branche possédait un léger relief en creux qui y menait. Curieusement,
elle possédait quatre gros anneaux placés en un rectangle qui l’entourait. Neky
fit trois pas et se mit au centre, face à Enki et à Erkym.
– Je demande aux Maîtres des Âmes,
mes frères, de bien vouloir procéder à la séparation des cellules de mon enveloppe dite terrienne, d’avec mon corps universel
qui restera au Palais de Nacre dans une châsse de cristal sous la bienveillance
de ma mère.
Ankus et
Nynki étaient totalement absorbés par la scène. Pour eux, ce serait différent puisqu’ils
devaient occuper un corps existant…Mais là, cette cérémonie, ils ne l’avaient
jamais vue. Avait-elle eu lieu auparavant et pour qui ? Jamais ils
n’avaient été au courant. Erkym poursuivit :
– Tu
es conscient de ce que tu encours, si tu ne détruis pas les réseaux de Lucifer,
tu pourrais être appelé à l’affronter en face-à-face, comme notre père. Tu
entres donc en guerre contre notre pire ennemi, dépourvu de tes pouvoirs
essentiels. Tu vas presque devenir un simple terrien. Sauras-tu protéger ton
intégrité de façon à ne pas mettre l’univers en péril ?
Neky, le
visage serré, affirma :
– Je
me conduirai comme je l’ai toujours fait. Je garantirai la sécurité de
l’univers car telle est ma mission, et je m’efforcerai de détruire ce réseau.
Enki
s’avança et le regarda droit dans les yeux :
– Sache
que s’il te capturait, après bien des tortures qui ne seraient qu’un préalable,
il utiliserait tes cellules neuronales pour avoir accès à La Conscience et en faire sa
Nynki
sentit un frisson lui parcourir l’échine. Ankus commença à se demander s’ils
étaient bien aussi intelligents qu’ils le croyaient. Il regarda Neky avec plus
d’acuité : il était devenu très pâle.
Enki
imperturbable poursuivit :
– Tu
nous as demandé de te dissocier, nous ne pouvons le faire sans ton pardon
anticipé. D’une part, parce que c’est la seule souffrance immense que nous
pouvons éventuellement avoir à supporter, d’autre part, parce qu’il ne faut pas
que le moindre ressentiment puisse être engrammé en l’un d’entre nous afin que
lorsque nous nous retrouverons, tout soit comme s’il ne s’était rien passé.
Enki se
remit à la hauteur d’Erkym. Neky, de plus en plus pâle s’exprima :
– Je
vous pardonne pour la douleur que vous allez créer, je suis conscient de ce que
j’ai demandé et des implications de mon acte. Ce faisant, il les regardait
fixement.
Erkym
réalisa qu’eux seuls connaissaient vraiment ce protocole, à part leur père. Il
ne savait s’il devait mesurer le courage de son frère ou son immense inconscience.
« Déshabille-toi,
lui ordonna-t-il, ça tâche ».
Neky
s’exécuta et se mit nu.
L’aîné
fit un geste. Au fond de la salle, l’huissier ouvrit la porte et fit entrer
quatre gardes portant des chaînes très particulières.
– Mais,
protesta le futur supplicié en se retournant, je n’en ai pas besoin puisque
vous avez mon acceptation entière… ? Il voulut écarter les nouveaux
arrivants.
– C’est
obligatoire, répondirent-ils dans un ensemble parfait.
Les
hommes des basses œuvres tentaient de le maîtriser, mais il se débattait comme
un diable. Les deux frères chargés de l’accompagner étaient devenus à leur
tour, couleur d’albâtre…
– Ne
lutte pas, ou nous arrêtons tout, fit Erkym sévèrement.
Il
s’immobilisa. Les hommes fixèrent les chaînes aux anneaux. Au bout de celles-ci apparurent subitement des
bracelets qui se placèrent tous seuls autour de ses chevilles et de ses
poignets. Puis le système le plaça lui-même en extension. Il ne pouvait plus
bouger. Il n’avait jamais eu connaissance de ce mécanisme, pourtant il croyait
tout connaître de cette salle… Il ferma les yeux. C’était sûrement un très sale
moment à passer.
Il
entendit ses frères invoquer leur père pour lui demander pardon d’utiliser
totalement contre son fils, ce pouvoir qu’il leur avait donné. Il frémit, il y
avait donc un autre pouvoir qu’il ne connaissait pas.
Puis, il
les entendit psalmodier, ce qu’il ne comprit pas bien, tellement il était
troublé. Il les entendit juste prononcer le chiffre de neuf cent quatre-vingt
dix neuf mille neuf cent quatre-vingt dix neuf. Alors une douleur ahurissante
le pénétra et le Maître de La Conscience comprit
Il ne
put réprimer un long hurlement pendant que son corps s’évaporait peu à peu en
gouttelettes. Enfin ce son horrible se tut. De ce nuage de vapeur écarlate il ne resta plus rien, tout avait été
atomisé.
Un
ruisseau de sang continuait de glisser dans le trou de l’étoile.
Nynki
avait la chair de poule : il avait entendu le chiffre, c’était neuf cent
quatre-vingt dix neuf mille deux cent vingt deux fois supérieur au protocole
auquel il avait été formé. La douleur devait être hallucinante…
D’un
seul coup, Ankus, vert de peur lui aussi, le tapa de sa main « Regarde » souffla-t-il.
Du trou
de l’étoile sortait comme une vapeur. Elle prit la forme d’un gisant de lumière
et resta stationnée à quatre-vingts centimètres au-dessus du sol.
Enki
très pâle et visiblement épuisé, claqua dans ses mains. La porte se rouvrit. Un homme, une
longue planche transparente sous le bras et six hommes tenant précautionneusement un cercueil de
cristal, entrèrent. Ils vinrent le placer, ouvert, sous le corps subtil. Erkym
plaça sa main et le fit descendre. Le plateau fut posé dessus. Le frère noir passa
sa main tout le long comme pour le sceller. Puis il donna l’ordre du départ. La
porte se referma.
- ☺-
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