Le
Chauffeur se précipita et ouvrit la porte de la limousine en s’effaçant pour
laisser passer le monarque. Celui-ci leva la tête. Cet hôpital tout en verre,
avec ses systèmes multiples et indépendants pouvant créer de l’énergie, capter
l’eau de la pluie, et, la mélangeant avec les eaux usées, purifier celles-ci en
transformant les molécules pour la rendre excellente pour la santé, était à la
fois une merveille de technologie et d’architecture.
Cette
visite lui plaisait. Pour une fois, ce serait au moins intéressant. Un instant
distrait, il en avait oublié qu’il était accueilli… Le Président du groupe
hospitalier, sur le moment intrigué par ce manque au protocole, regardait lui
aussi dans la même direction que sa Majesté. Celle-ci se reprit. Ils se
serrèrent la main et, après les congratulations traditionnelles, entrèrent. Au
rez-de-chaussée, la pédiatrie s’ornait de couleurs vives en touches sur des
murs couleurs pastel chauds. C’était comme un rayon de soleil.
D’un
seul coup, il la vit. Il avait déjà dû la voir quelque part. C’était certain.
Il ne pouvait que la connaître ou l’avoir toujours connue… Quelqu’un de
proche ? Pourtant non… Il ne parvenait pas à se rappeler, pourtant… C’était
elle le soleil ! Son Soleil ! Elle avançait en blouse blanche
auréolée par ses cheveux blonds mal retenus en arrière, accompagnant une équipe
pilotée par un petit homme bedonnant en veston. Quelle grâce ! Sa voix
agréable et teintée d’un curieux accent qui lui sembla être slave, lui présenta
le directeur de l’Hôpital. L’homme présenta l’équipe médicale. Serrant les
mains, il ne retint que le prénom « Docteur Anka », le nom à la consonance
russe lui parut si compliqué qu’il l’oublia instantanément. Etait-ce le trouble
ou le brouhaha autour de lui ? Les enfants du service qui étaient valides,
sortaient des chambres à sa rencontre. Elle s’activait et les refoulait
gentiment « mais oui, il va venir vous voir »… Dès que
les salles techniques furent visitées, la jeune femme lui proposa de voir les
jeunes malades, seul avec elle. Ils firent le tour. Il était visiblement
content de l’opportunité ainsi offerte et la dévorait des yeux. Puis ils se
retrouvèrent la visite finie, dans le couloir. Juste avant de retrouver les
membres de son cortège qui attendaient à l’entrée. A ce moment, elle s’enhardit :
« Pardonnez-moi si je vous importune… »
– Je
vous en prie, allez-y, coupa-t-il, fort intéressé par la suite.
–
J’étais juste à côté de vous l’an passé, lors de la révolution, rappelez-vous,
lorsque vous avez « soigné » ce journaliste blessé par un projectile
et qui était vraiment mal en point…
– Ah
oui ? Mais pourquoi m’avoir laissé faire ? Pourquoi vous ne vous en
êtes pas occupée ?
D’un
seul coup il la revoyait, les cheveux regroupés dans une casquette informe. Il
l’avait juste remarquée, mais la situation était trop préoccupante. Mais non,
son vrai souvenir était beaucoup plus ancien, on essayait juste de le lui faire
croire…
– En
fait, je vous ai cru médecin, au départ… Mais ce que j’ai vu tient plus du
guérisseur que du médecin. C’est bien ça ?
– Chut…
– Mais
vous l’avez remis sur pied instantanément ! D’ailleurs c’était un ami, je
crois qu’ensuite il vous a considérablement aidé…
– Oui,
c’est exact.
–
Dommage, vous n’étiez pas là lors des dernières échauffourées, puisqu’il s’est
fait tuer… Mais l’auriez vous-ressuscité ?
– Je ne
sais pas. Et puis, voyant sa peine, il ajouta doucement : mais la mort
existe-t-elle vraiment ? N’est-ce pas seulement le passage vers un autre
état ?
Il la
regardait, sa réponse était essentielle. C’est là qu’il saurait s’il l’avait
rencontrée auparavant.
– Je
croyais que je le pensais, mais j’avais commencé la spécialisation de légiste,
et puis, tellement dégoûtée, je me suis tournée vers la pédiatrie… Aujourd’hui,
je ne sais plus… J’ai tellement vu d’horreurs, d’injustices !
Il lui
prit doucement la main et elle ne chercha pas à se dégager. Comme ils sont
malins, se dit Neky : n’y croyant plus, elle aura refoulé toutes les
impressions qui lui auraient rempli sa vie d’espoirs… et en tout cas, là, elle
ne se rappellera jamais m’avoir déjà croisé.
– Dans
le service y a-t-il un enfant mourant que je puisse aider ?
– Heureusement,
pas en ce moment, fit-elle en le regardant avec commisération.
Marqué
au fer par ce regard, il se dit qu’il devrait lui prouver un jour que ce don
existait bel et bien. Il attaqua direct.
– Je
veux vous revoir, si vous acceptez, bien sûr…
– J’en
serais heureuse et flattée.
Elle
souriait avec éclat.
Il
regardait au fond de ses yeux : « elle en serait heureuse » oui,
c’était visible. Il lâcha la main qui à présent tremblait d’émotion.
– Acceptez
de dîner avec moi. Je vais voir avec mon Conseiller quelles sont mes
disponibilités et il va vous proposer une soirée.
- ☺-
Elle
occupa sa pensée le reste de sa journée. Il ne parvenait plus à se concentrer.
C’était incroyable : il venait de tomber amoureux. Ce qu’il y avait de
certain, c’est qu’il ne la lâcherait pas, et d’autre part qu’il ne laisserait
personne l’approcher, personne ne la lui prendrait. Donc ce journaliste qui
l’avait tant aidé était allé rejoindre les étoiles ? C’était une
excellente chose !
Il se
rappelait la couleur de ses yeux bleus clairs, étrangement pailletés, la
chaleur de sa main, et quand elle s’était mise à trembler ? Il n’avait su
que faire ! La presser ? Il avait peur de se montrer insistant, la
caresser ? Cela aurait été pire… C’était décidé, dès que le grand soir
serait arrivé, il l’accueillerait en l’embrassant et en la serrant un peu,
juste un peu, dans ses bras. Il fallait aller vite. Il était pressé. Et puis
cela le tenait comme jamais… Il en parlerait à Enki lorsque cette première
soirée aurait eu lieu et que les choses seraient bien avancées. Il n’allait pas
traîner, et puis certainement, elle ne le repousserait pas. Il l’avait senti.
Ils étaient autant attirés l’un que l’autre. Le choc avait été simultané. Ce
qu’il y avait, c’est qu’il ne pouvait jouer sur le fait d’être le monarque,
étant donné que pour elle, au fond, lorsqu’elle l’avait aperçu pour la première
fois, il était un simple révolutionnaire, un peu miteux…Il se mit à rire de cette
bonne blague que ses frères lui avaient faite.
- ☺-
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