L’innovation sociale est encore un phénomène mal perçu, simplement parce que cela dérange les habitudes des services marketing des entreprises, ça rend schizophrène les communicants et ça va bouleverser la production et la distribution. Vous pouvez me dire que l’innovation sociale ça n’existe pas, que ce n’est pas dans les manuels. Force est de constater que c’est à la fois un phénomène rampant d’émergence d’une certaine prise de conscience féminine et de la progression des nouvelles technologies de la communication. Car si l’homme va d’abord regarder les statistiques et les chiffres d’affaires, la femme va avoir la réflexion transversale en ajoutant des valeurs à cette perception très « économique », ce qui au bout du compte fera apparaître les bénéfices indirects et au final l’entreprise en sortira gagnante.
J’en veux pour preuve que le Président de Coca-Cola en voyant 26% de ses actionnaires demander que l’on change les emballages contenant du Bisphénol-A, a commencé par regarder les chiffres, ce que ça coûterait en recherche et développement pour un nouveau pack, en communication et puis il n’a pas assez étudié les risques santé en se disant que les études n’étaient pas significatives. Un président mal informé, qui s’il avait compris que changer son image de marque en mettant au point des produits plus respectueux de l’homme, serait très bénéfique pour sa compagnie. Mais au fond, sûr de lui, il est évident qu’il n’en a pas besoin. Mais a-t-il bien vu la progression des maladies et la progression du monde ? Il regarde ses chiffres. Et il n’y a pas de femme assez forte ou en avance pour lui montrer le chemin…
On nous a habitués au B to B et au B to C. Business to Business, Business to consumer. Ces définitions et logo ont envahi l’entreprise et sectorisé les marchés. Mais le monde change et l’on voit émerger le Bi-Consumer.
Le BC. Drôle, non ? Alors qu’est-ce que ça sous-entend ?
Notre société était basée sur un modèle familial qui avait déjà perdu ses racines en plaçant ses anciens en maisons de retraite, en dissociant la famille, en vendant toutes les propriétés familiales trop chères à entretenir, en recomposant les familles après divorce(s). L’homme qui avait eu l’habitude de ne s’occuper que de son travail n’a pas vu s’opérer le glissement. Les plus jeunes pères, ont très vite compris ce que le partage des tâches induit par cette nouvelle situation et le rapprochement avec les enfants, allait leur apporter.
Mais les femmes vont encore plus loin. Autrefois elles étaient garantes de la santé familiale, elles connaissaient les lois d’équilibres, la pharmacopée familiale et naturelle n’avait pas de secret pour elles, et puis avec l’avancée de la société dissociée appelée « progrès » car nous sommes passés dans une très grande complexité, ce savoir a disparu et la transmission avec. Aujourd’hui, renforcées par leurs voyages et la mixité des peuples qui apportent leurs connaissances ancestrales (cosmétiques, soins, alimentation), elles ont à nouveau eu envie de se réapproprier leur domaine.
Aussi, lorsque j’explique dans une entreprise que son produit destiné à d’autres entreprises (le B to B) interpelle le grand public, ce bi-consommateur, mes interlocuteurs restent sans voix puisque les produits et services concernés ne sont pas logiquement destinés au consommateur final.
Il y a deux scénarios à cette histoire :
- Mr X fait partie du personnel d’une entreprise. Il a une vie extérieure. Et donc à l’extérieur il devient un consommateur plus averti car il est sensé savoir ce qu’il produit. Situation normale. Il sera attaché au plaisir de la vie, à sa détente, aux revenus car c’est ce qui garantit une vie harmonieuse au sein de la société.
A l’extérieur il est déconnecté de sa vie professionnelle.
C’est le cas type, mais il existe des profils masculins plus jeunes ceux que l’on peut associer au profil suivant dans ses comportements :
- La femme de Mr X sait ce que son mari produit. Reprenant son rôle de garant de la santé familiale elle va nécessairement s’interroger sur ses conditions de travail. Cela va du risque cardiaque au risque environnemental… Elle le sait. Elle le vit aussi. Auparavant, elle se disait qu’il savait ce qu’il faisait et qu’il s’assumait. Elle, elle assumait la maisonnée. Mais l’obligation de travailler, les informations foisonnantes, contradictoires l’ont poussé à douter des capacités de son mari à se protéger, puis elle s’est mise à chercher. Internet est sa mine. Elle prend conseil, trie les infos et se fait une idée qu’elle applique. Elle expérimente et partage. En même temps, elle va vérifier que ce qu’elle achète convient aux enfants. Et nous la voyons progresser dans son savoir. Même si c’est lent. Elle va peu à peu faire évoluer les comportements d’achat de la famille. Mais non contente de gérer cela, elle va étendre son rayon d’action et transférer ses connaissances à l’entreprise où elle travaille. Si à la maison elle est le C, en entreprise elle est le B. Elle va pouvoir pointer du doigt ce qui est dangereux, ce qu’il faut absolument changer. Ce faisant elle fera évoluer produits et services ou les méthodes de travail. Elle sait qu’elle est une Bi-Consommatrice, elle a le regard intérieur et extérieur. Un regard protecteur, anticipateur.
Le phénomène est donc réversible. Les nouvelles technologies de la communication encourageant le partage, les esprits changent, et le consommateur prend aussi son rôle au sein de son entreprise et ne voit plus seulement le consommateur dans des « Groupes consommateurs », il se voit, lui. Il garde désormais ses deux casquettes à portée de main.
Alors peu à peu monte doucement cette société de ceux que l’on ne peut plus tromper. Leur vigilance et leur double regard va perturber puis révolutionner l’entreprise qui devra s’adresser à son public B tout en sachant que le public C est à l’affût de la faille, ou alors se lier avec ce consommateur inhabituel par le web 2.0. et l’écouter…
Tout cela induit une profonde révision au sein de l'entreprise et de ne pas se contenter de statistiques mais de remettre les valeurs en place.