Bientôt le Lean Management va devenir un sujet de discussion pendant la cérémonie du thé de 5 heures entre les dernières cueillettes de fleurs du printemps et la décoration de la chambre du dernier né. Arrêtons de le considérer comme un phénomène banal qui donne les résultats prévus dans les visualisations de diapositives proposées par des consultants internes ou externes. Ceux-ci, en général, n’ont pas le vécu nécessaire pour faire face aux problèmes qui ne manquent jamais d’arriver dans sa mise en place, ce qui bloque tout résultat positif à terme.
Arrêtons également de considérer le Lean Management comme un assemblage d’outils qui règle les problèmes de flux, de postes de travail, de management d’équipe tout simplement en découvrant, ou dans le meilleur des cas en aidant à faire découvrir toutes sortes de gaspillages. Ceux-ci sont malheureusement trop souvent présents et sont le résultat d’habitudes prises avec le temps. Et surtout ne considérons pas le Lean Management comme un Club de Vacances Bis où chacun fonctionne comme il veut, quand il décide de se rendre disponible et avec de gentils animateurs à son entière disposition. Par exemple, nous pouvons acheter et lire tous les livres de cuisine des plus grands chefs mais en résultat nous n’obtiendrons pas la plus petite des étoiles sans formation et sans expérience devant les fourneaux.
Ces quelques phrases pleines d’amertume viennent du peu de réussite que nous constatons dans une grande partie des chantiers Lean des entreprises par rapport aux résultats annoncés dans les messages commerciaux des magazines spécialisés. En fait, le Lean Management est trop souvent considéré comme le chantier du mois, une évolution technique sans conséquence pour les managers en place, une mode passagère qui n’apporte pas rapidement les gains envisagés, une étape dans les réflexions d’amélioration permanente avant de trouver mieux et d’expérimenter autre chose, une erreur d’engagement favorisant un retour aux anciennes pratiques, un message de dirigeants dans de grandes réunions qui ne déclenchent aucune action concrète ou tout simplement comme des outils faciles à mettre en place sous la responsabilité d’un chef de projet.
Là encore, de grosses fautes d’appréciation. Si la méthode de nettoyage et de rangement n’a pour objectif que de transformer le personnel en schtroumfs pour mettre un peu d’ordre dans les locaux et d’entériner une revue systématique de 3 heures en fin de semaine, nous sommes loin de l’efficacité attendue. De même pour les affichages, si nous définissons les zones de travail et de stockage sans aller plus loin vers les instructions au poste et les indicateurs d’analyse et de déclenchement, le gain est très faible, voire inexistant. Dernier exemple qui me vient à l’esprit : très souvent les systèmes de flux tirés mal maîtrisés sont contrôlés par l’informatique pour assurer une meilleure sécurité et en fait ils redeviennent des flux poussés avec un pilotage d’étiquettes rééditées par l’informatique pour suivre les pièces.
Nous ne pouvons pas laisser dire et faire cela quand nous connaissons les résultats obtenus dans des chantiers déclenchés à partir des véritables fondamentaux du Lean. D’abord les managers ne doivent pas uniquement se parler entre eux, ne doivent pas déléguer la communication mais descendre sur le terrain pour vendre et argumenter le choix stratégique retenu pour le développement ou la survie de l’entreprise. Ils doivent convaincre les différents niveaux hiérarchiques et les principales directions opérationnelles et fonctionnelles à coopérer et à faire respecter les fondamentaux du Lean Management sur le terrain.
Et si je concède volontiers que tous les outils, méthodes et techniques du Lean existent aujourd’hui pour réussir les chantiers et donnent des résultats bien au-delà des espérances dans les entreprises industrielles, de service ou les collectivités locales, ces réussites sont toutes obtenues justement par le respect des fondamentaux de la démarche. Il est bien évident que la chasse aux gaspillages doit être permanente pour obtenir un système opérationnel performant, mais celui-ci ne peut être obtenu que si les managers sont convaincus d’évoluer dans leur méthode de gestion d’équipe. Il leur faut mettre en place un nouvel accompagnement de leur personnel. Celui-ci comprendra mieux les enjeux des postes de travail et pensera à l’améliorer grâce aux formations, à trouver des solutions en groupe et à prendre plus d’initiative et de responsabilité. Ce nouveau management doit être associé à l’évolution des comportements et de l’état d’esprit général qui remet le client au cœur des engagements de l’entreprise.
Nous le voyons bien, mettre en place le Lean Management n’est pas un long fleuve tranquille. Il faut de l’engagement et surtout de la persévérance à tous les niveaux. Ce n’est pas facile de faire évoluer le comportement du personnel même en lui apportant de meilleures conditions de travail. C’est la mobilisation et la dynamisation autour d’un vrai projet valorisant chacun qui est la condition préalable principale d’un vrai projet Lean Management. Dans les prochains articles nous montrerons les conditions de réussite possible avec notre mode d’approche et de formation en respectant les fondamentaux. Et nous irons plus loin que les chantiers industriels pour s’engager sur la voie de l’innovation dont notre pays a besoin de façon urgente aujourd’hui.
Bernard FRÉMONT